lundi, janvier 26, 2009

Les canadiens s’inquiètent du développement des agrocarburants


Un pré d’herbe jaunie, deux vaches dont la couleur se confond avec celle de la terre, une plaine étale piquée de quelques arbres aux branches déjà nues.Si tout va comme prévu, ce paysage automnal de la campagne albertaine à une heure au nord de Calgary cédera bientôt la place à deux méga usines de biocarburants. L’une transformera du blé en éthanol. L’autre fabriquera du biodiesel avec du canola. Capacité : plus de 700 millions de litres par an. C’est le plus gros projet du genre en Amérique du Nord.

En octobre, le mastodonte de 400 millions$ a reçu le feu vert du Conseil albertain de la conservation de l’énergie et des ressources. Et n’attendait plus qu’une ultime approbation provinciale pour décoller.

À Innisfail, une ville de 8000 habitants entre Calgary et Edmonton, on se frotte déjà les mains. « Cet investissement va générer des revenus et des emplois, c’est une excellente nouvelle pour la région », se réjouit David Hoar, membre du conseil régional du comté de Red Deer, qui englobe Innisfail.

Bonne nouvelle, surtout, pour les cultivateurs du coin qui accéderont à un marché gigantesque à deux pas de chez eux.

Trop de blé

C’est le cas de David Surkan qui dirige une ferme familiale à une quinzaine de kilomètres au nord d’Innisfail. Devant l’entrée de sa propriété, des champs coupés au ras du sol se déploient à l’infini. Au loin on aperçoit la ligne dentelée des Rocheuses. Mais ici, ce sont encore les Prairies, avec leur plaine ciselée en rectangles beiges et blonds.

David Surkan cultive de l’orge, du blé et du canola. Il vend son orge à un fabricant de malt voisin. Mais son Canola trouve preneur jusqu’en Chine. Les frais de transport son exorbitants. Quant au blé, il en produit jusqu’à ne plus savoir qu’en faire.

« Cette année, à cause du gel précoce, mon grain est de qualité moindre. Il est plus difficile à vendre », soupire ce cultivateur qui attend avec impatience l’arrivée de l’usine d’Innisfail.

Et pourtant

Le projet d’usines jumelles, lancé par le géant américain Carlyle Group, a soulevé des inquiétudes à Innisfail. Des gens ont eu peur de voir un monstre industriel surgir dans leur paysage. Des éleveurs ont grincé des dents, craignant qu’avec la concurrence de l’usine, ils devront payer plus cher pour le blé avec lequel ils nourrissent leur bétail.

Mais les promoteurs les ont rassurés : l’usine produira un résidu qu’ils pourront inclure dans leur moulée. Exception faite de ces quelques doutes, Innisfail a accueilli le projet à bras ouverts.

Mais pourquoi un projet d’une telle ampleur ? Et pourquoi maintenant ? « C’est pour répondre aux nouvelles exigences canadiennes », répond Bob Stroup, porte-parole d’Alberta Ethanol and Biodiesel Group, le bras canadien de Carlyle.

Quelles exigences ? Au printemps dernier, Ottawa a voté la loi C-33 qui impose des taux de biocarburants dans l’essence canadienne qui devra comprendre 5% de bioéthanol en 2010, et 2% de biodiésel en 2012. Parallèlement, un nouveau programme fédéral accorde une aide financière aux compagnies qui transforment le grain en « or vert ». Une manne de 1,5 milliard.

Pourtant, la veille même du jour où cette loi a reçu l’assentiment des Communes, OXFAM International lançait un appel aux pays riches, leur demandant de cesser de subventionner les biocarburants d’origine agricole, accusés de contribuer à affamer la planète.

Coup sur coup, trois autres rapports ont ensuite posé le même diagnostic. Selon l’Institut CD Howe, l’aide à l’industrie du bioéthanol ne se justifie ni du point de vue environnemental, ni du point de vue économique, alors que les biocarburants expliquent entre le quart et le tiers de la flambée des prix alimentaires. Un chercheur de la Banque mondiale est allé encore plus loin, en attribuant 75% de l’inflation alimentaire aux agrocarburants.

Leur raisonnement va comme suit : en détournant des grains destinés à la consommation humaine ou animale vers des distilleries, on crée une demande qui se répercute sur les cours du blé, du canola ou du maïs. Puis sur celui de la tortilla et du pain.


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Sources: Cyberpresse

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